Retour sur le Tribunal pour les Générations Futures : « Faut-il encore inventer des matériaux ? »
Cette conférence au format pédagogique innovant, intitulée « Tribunal pour les Générations futures : peut-on encore inventer des matériaux » a été organisée par Lola Lilensten, chargée de Recherche CNRS à l’IRCP au sein de l’équipe Métallurgie Structurale, Mathilde Laurent-Brocq (ICMPE, CNRS-UPEC) et Claire Galland (DIM MaTerRE), dans le cadre des journées annuelles de la SF2M. Les étudiants francophones du Master 2 Sciences et Génie des Matériaux francophone et les élèves-ingénieurs en 3ème année en spécialité Matériaux ont pu assister aux audiences le 19 novembre 2024 dans le grand amphithéâtre du Conservatoire National des Arts et Métiers. Pendant cette conférence-spectacle, en reprenant la mise en scène d’un procès, des experts, bien réels, ont comparu à la barre d’un tribunal fictif.
Cet évènement a été organisé en partenariat avec Usbek & Rica, le média qui explore le futur, et a pu avoir lieu grâce au soutien du Domaine de recherche et d’innovation majeur MaTerRE de la région Ile-de-France (DIM) MaTerRE de la région Île-de-France, du CNRS, de la SF2M et de Mecamat.
Un tribunal pour mener les débats autour de l’utilité d’inventer des nouveaux matériaux. En recherche comme ailleurs, on ne cesse d’entendre que l’avenir est au réemploi, à la circularité, au recyclage. Pourtant, la recherche en science des matériaux semble aujourd’hui faire peu de cas de cette injonction.
Au contraire, elle n’a de cesse de repousser ses limites à travers l’invention de nouveaux alliages, de nouveaux revêtements, de nouveaux composites, de nouvelles méthodes de fabrication permettant de répondre à des applications toujours plus ambitieuses – mais produisant des matériaux toujours plus spécifiques, toujours plus énergivores, toujours plus difficiles à désassembler. Cette course à la complexification high-tech est-elle fondamentalement nécessaire à la construction des infrastructures et des outils d’une société durable – ou est-il désormais temps que la science des matériaux renonce à l’attrait de la nouveauté pour se focaliser sur la sobriété ? En six mots comme en mille : faut-il encore inventer des matériaux ?
Des débats publics pour impliquer la société dans la recherche sur les matériaux. Afin de réfléchir à cette question, la mise en scène au sein d’une salle d’audience d’un tribunal, les réquisitoires et les témoignages dans le prétoire se sont enchainés. Les témoins ont été choisis pour représenter un large panel de thématiques, d’approches, de milieux : la recherche académique et industrielle, le passé et le futur via l’histoire des matériaux et la science-fiction. A l’accusation et à la défense, deux doctorant.e.s spécialistes de sciences des matériaux, et représentant les générations futures ont porté le débat sans concession et avec humour, sous la direction d’un président intransigeant ! Le verdict a finalement été rendu par des jurés tirés au sort dans le public, et représentant le monde de la recherche, les étudiants et le grand public.
Lola Lilensten, chercheuse CNRS de l’équipe de métallurgie structurale de l’IRCP, s’est impliquée dans l’organisation de cette conférence et de ce « Tribunal pour les Générations Futures ».
Lola, pourquoi ce thème : faut-il encore inventer des matériaux ?
« Comme détaillé dans la présentation de l’évènement plus haut, le réchauffement climatique est une réalité à regarder en face, et le combat pour un futur habitable et désirable doit se mener partout, y compris dans le domaine de la recherche. Or, si nos recherches s’inscrivent souvent dans les objectifs de développement durables de l’ONU, le développement de matériaux et l’innovation dans ce domaine sont aussi à l’origine de nouveaux problèmes, allant du recyclage à l’effet rebond.
Ainsi, avec mes collègues organisatrices, il nous a semblé important de proposer, au travers de cet évènement, un espace réflexif où interroger de manière ludique nos objectifs, le cadre que nous nous donnons, et nos motivations, dans le contexte environnemental actuel et dans l’intérêt des générations futures. Le tribunal s’inscrivant dans le cadre des journées annuelles de la SF2M sur le thème « empreinte matériaux, enjeux et solutions », nous souhaitions ancrer la problématique traitée dans notre domaine de recherche, ce qui a mené à la question « faut-il encore inventer des matériaux ? ». Cependant, de nombreuses questions traitées sont facilement transférables à d’autres domaines de recherche ! »
Quelle a été votre implication dans cet évènement ?
« J’ai coordonné l’organisation de l’évènement et me suis donc investie à tous les niveaux : le choix du sujet et des points d’intérêt, la sélection du panel de témoins, l’écriture du script, la recherche de financements, la communication, l’édition de la vidéo… Tous ces points ont été portés en équipe, en collaboration étroite avec mes deux collègues Mathilde Laurent-Brocq de l’ICMPE et Claire Galland du DIM MaTerRE de la région Île de France, et avec l’aide précieuse et l’expérience de Lluis Pino, conférencier et metteur en scène indépendant, collaborateur des médias Usbek & Rica et Climax. L’organisation a été une aventure incroyable avec une équipe non moins incroyable, où la puissance du collectif permet de construire un évènement ambitieux s’adressant à un public large, sans rogner sur la qualité du débat ».
En quoi est-ce que ce format original et ce déplacement des « débats » scientifiques dans un prétoire de tribunal a été un atout pour la médiation auprès du grand public ?
« La participation du grand public était un paramètre clé dans la construction de l’évènement. En effet, nous souhaitions que les réflexions sur l’orientation de la recherche en sciences des matériaux puissent être exposées à des citoyens concernés. Le format ne permettait pas un échange en profondeur avec le public, néanmoins une personne du grand public était juré du tribunal !
Au travers d’un évènement scénarisé et surtout drôle, nous espérons que les personnes présentes ont pu découvrir ou approfondir leur compréhension de notre environnement de travail, ainsi que nos questionnements. Et il est encore temps de le faire via la vidéo Youtube, maintenant disponible ! Du côté de l’équipe d’organisation, nous restons disponibles pour échanger, et répondre aux éventuelles demandes, en particulier pour l’organisation de futurs projections-débats ».
*Tribunal pour les Générations Futures est une marque déposée d’Usbek & Rica, le média qui explore le futur
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