La chimie a un rôle clé à jouer dans le développement de nombreuses solutions technologiques de demain, et ce, notamment dans le domaine énergétique aussi bien pour la production et le stockage que le déploiement de nouvelles sources d’énergie. Chimie ParisTech en plus de former les futurs spécialistes de ce domaine, explorent plusieurs pans de la recherche liée à ce domaine.

La production d’énergie par conversion électrique : l’exemple des cellules photovoltaïques nouvelle génération

Le domaine du photovoltaïque est en forte évolution, avec d’une part de forts besoins du côté applicatif compte tenu des volumes de production importants et d’une part, une maturation des technologies dominantes qui atteignent leurs limites de performance notamment le Silicium cristallin, à 90% de ses performances théoriques.  Et s’il y a bien une chose sur laquelle tous les chimistes s’accordent, c’est l’importance des cellules photovoltaïques dans la production d’énergie renouvelable.

Le groupe Optoélectronique, Photovoltaïque, et Nanostructures du Dr Pauporté s’intéresse depuis 2013 aux cellules solaires photovoltaïques de type pérovskite. La pérovskite, c’est une structure cristalline qui peut intégrer des molécules organiques dans un réseau inorganique : ces matériaux semi-conducteurs possèdent des propriétés opto-électroniques pouvant être modulées par la chimie. Les cellules étudiées par l’équipe sont constituées d’une couche de pérovskite en sandwich entre deux couches qui assurent le contact sélectif et qui permettent la séparation des charges : les trous et les électrons(1). Le groupe a notamment étudié puis optimisé l’intégration de nanostructures d’oxyde ZnO pour le transfert électronique au sein de la cellule. Il développe aussi des pérovskites complexes, à cations multiples, plus efficaces et plus stables; des semi-conducteurs organiques de faible coût pour la séparation des trous. Le rendement record actuellement atteint par le groupe du Dr. Pauporté est de 20,6 %.

Il existe également un laboratoire dédié aux énergies photovoltaïques à Chimie ParisTech : l’IPVF - Institut Photovoltaïque d'Ile de France, dirigé par Jean François Guillemoles,  il s'inscrit dans l’un des Instituts pour la Transition Énergétique (ITE), fruit d’un partenariat avec de nombreux industriels dont EDF, Total, Air Liquide et sélectionné par le Plan d'Investissement d'Avenir. L'UMR IPVF agit à la fois sur les questions fondamentales (processus pour rendements ultimes de conversion photovoltaïque), des questions importantes pour les applications (amélioration de la fiabilité et de la soutenabilité des technologies solaires) et les innovations (développement de nouveaux matériaux et dispositifs pour une technologie compétitive permettant à  l'industrie de se développer en Europe).

Si la conversion de l’énergie solaire en électricité reste un moyen fiable et encore très largement perfectible pour produire proprement l’énergie, d’autres types de conversion moins connues comme la conversion chimique sont à l’étude.

La conversion chimique pour optimiser la production de gaz de ville à partir de rejets de ferme

L’un des principaux enjeux environnementaux est de limiter les rejets de gaz à effet de serre. Dioxyde de carbone, hydrocarbures ou encore protoxyde d’azote sont les principaux responsables du réchauffement climatique. Produit en plus grande quantité que la nature ne peut les dégrader, trouver des moyens de les convertir, notamment en énergies valorisables, apparaît comme la meilleure solution à long terme.

Vincent Piepiora, ancien élève de Chimie ParisTech, a ainsi eu l’idée de s’appuyer sur la technologie plasma pour convertir le CO2 et le H2 provenant des digesteurs présents dans les exploitations agricoles en CH4, ensuite réinjectés en réseau ou comprimés en gaz naturel véhicule. Ces digesteurs produisent du biogaz brut par digestion avec des bactéries anaérobies(2) et sont déjà présents dans les exploitations agricoles. Cependant, la conversion n’est pas totale et il est difficile de séparer le produit du H2 et du CO2 résiduels. De plus, il y a une limite légale en quantité de H2 injectable dans le réseau, fixée à 5 % et que le module permettrait d’atteindre sans difficulté. Mais comment fonctionne cette technologie ?

L’équipe 2PM (Procédés, Plasmas et Microsystèmes) dirigée par le Pr Tatoulian à Chimie ParisTech a développé depuis plusieurs années les procédés plasmas basés sur l’utilisation d’un gaz complètement ou partiellement ionisé par l’application d’un champ électrique (impact électronique). Il est très réactif car il contient de nombreuses espèces radicalaires et ioniques. Habituellement utilisés dans les traitements de surface (gravure, fonctionnalisation, polymérisation), ils peuvent également servir de vecteurs et de réactifs à des réactions chimiques.

C’est tout naturellement que Vincent Piepioria et l’équipe 2PM ont donc co-fondé la 1ère start-up intégrée à Chimie ParisTech, ENERGO (dont PSL porte 10% des parts de l’entreprise). De leur collaboration est né le module homonyme, qui réalise la conversion catalytique du CO2 et du H2 en CH4 par technologie plasma. Installé en aval des digesteurs, il complète non seulement la conversion du biogaz mais aussi libère la chaleur réutilisée pour donner aux bactéries la température de 50 °C nécessaire à leur fonctionnement. Les avantages sont multiples :

  • une intégration simple dans les systèmes existants, des revenus supplémentaires pour les exploitants, a
  • une source de chaleur et d’oxygène valorisable, sans compter une réduction de l’impact environnemental non négligeable.

Le marché visé est celui des petites exploitations, notamment en raison du débit relativement faible du module (environ 20 m3/h actuellement). Un bel exemple d’innovation par la recherche, qui permet en outre de répondre à des enjeux sociétaux actuels.

Les méthodes de production d’énergie sont largement étudiées par les chercheurs, qu’en est-il du stockage de l’énergie ?

Le stockage de l’énergie, ou comment développer des solutions alternatives au lithium dans les systèmes mobiles

Premier métal alcalin de la classification périodique, le lithium est est communément utilisé dans les piles et batteries pour stocker l’énergie via un système d’accumulateur électrochimique. Il en existe de trois types principaux :

  • L’accumulateur lithium-ion, le plus utilisé, délivre le plus d’énergie.
  • L’accumulateur lithium-polymère, variante viable du lithium-ion, beaucoup plus sûr, quoique produisant moins d’énergie.
  • L’accumulateur lithium-métal, moins utilisé en raison de la forte réactivité du lithium métallique, à l’humidité notamment.

Les chercheurs de l’équipe MIM2- Matériaux, Interfaces et Matière Molle-  ont participé à la course pour améliorer les batteries Li-ion, en testant une nouvelle méthodologie opposée aux traditionnels « essais et erreurs » très répandus dans la recherche. Pour cela, ils ont choisi de partir d’une phase de création de nouveaux électrolytes par modélisation, avant de sélectionner les meilleures structures pour les synthétiser et enfin les analyser pour juger de leur performance.

Le lithium n’est pas un élément rare (l’Institut d’étude géologiques des États-Unis évaluait en 2009 à 11 millions tonnes la quantité de lithium sur terre), toutefois son exploitation est vouée à exploser dans les années à venir, notamment en raison du développement des voitures électriques. Face à ce constat, ce projet a été arrêté et l’équipe s’engage grâce aux financements de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) dans une nouvelle voie : la création et le développement de nouveaux électrolytes « Beyond Lithium » destinés aux batteries pour remplacer à terme le lithium dans certains systèmes de stockage d’énergie.

Une réflexion particulière a été portée sur les systèmes stationnaires, à placer par exemple au pied des éoliennes, mais aussi sur les systèmes mobiles (téléphones, ordinateurs…), pour lesquels les contraintes sont très différentes. En effet, l’important pour ces derniers est de maximiser la sureté et la longévité de la batterie en se préoccupant moins de la contrainte de masse et de puissance par exemple. Pour les systèmes mobiles, les batteries redox-flow semblent constituer une solution particulièrement intéressante. Cette nouvelle génération de batterie rechargeable utilise un élément chimique (le vanadium par exemple) sous différents états d’oxydation pour stocker l’énergie sous forme de potentiel chimique. Parmi ses avantages, on cite leur excellente durée de vie, leur caractère rechargeable ainsi que leur relative inertie vis-à-vis de la température (dans une gamme raisonnable). Pour leur développement, l’équipe MIM2 s’est associé avec une start-up, AZA, non pas dans l’objectif de concurrencer les batteries Li-ion sur le stockage dit « court », mais plutôt de se positionner sur le stockage « long » évoqué précédemment.

Créer l’énergie de demain

Production d’énergie par conversion solaire et chimique, stockage dans les batteries et développement de nouvelles technologies, les chercheurs de Chimie ParisTech sont présents sur tous les fronts ! Outre la nécessité d’innover dans le secter pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux actuels, les avancées ouvrent la voie à des technologies toujours plus propres. Pour cela, émergent de nouvelles collaborations entre les chercheurs académiques et les industries ou les start-ups, qui ne peuvent que renforcer la qualité et la pertinence des projets entrepris.
Parce que finalement, quoi de plus beau que d’inventer l’énergie de demain ?

Auteur : Thomas Moragues
Élève ingénieur  à Chimie ParisTech - Promotion 2020

Glossaire

(1) Organométallique
Qualifie une molécule comprenant une liaison carbone-métal. Ces molécules sont très utilisées car la liaison en question induit une polarisation négative du carbone, le rendant nucléophile.

(2) Bactéries anaérobies
Bactéries dont le cycle chimique de digestion fonctionne en absence d’oxygène. Ici, elles digèrent le CO2 et le H2 en CH4. On oppose les cycles anaérobies aux cycles aérobies, qui nécessitent eux une atmosphère riche en oxygène.