Nouvel AGLAÉ : une référence mondiale au service du patrimoine

27 novembre 2017
New AGLAE au C2RMF

Pour percer les mystères des œuvres ou authentifier des objets patrimoniaux, les spécialistes ont souvent besoin du soutien de la science. Installé depuis 1988 au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF, Palais du Louvre), AGLAÉ est l’unique accélérateur de particules dans le monde exclusivement dédié à l’étude d’objets du patrimoine. Aujourd’hui, l’équipement d’excellence New AGLAÉ permet d’améliorer ses performances : automatisation de la ligne de faisceau, optimisation d’une imagerie chimique à l’échelle micrométrique et analyse jour et nuit rendue possible. En association avec le CNRS et Chimie ParisTech, le projet est soutenu par le ministère de la Culture, les Investissements d’avenir et la ville de Paris. Le nouvel AGLAÉ a été inauguré le 23 novembre 2017 par Françoise Nyssen, ministre de la Culture et Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

 

New AGLAE au C2RMF

© Christophe Hargoues / C2RMF / CNRS Photothèque – Les aimants permettant la stabilisation du faisceau de particules

Les objets du patrimoine culturel portent en eux des énigmes : d’où viennent leurs matériaux ? Quels sont leurs secrets de fabrication ? Comment les conserver et les restaurer ? Des éléments de réponse peuvent être obtenus  en explorant la surface des œuvres, de manière non invasive c’est-à-dire sans recourir à des prélèvements et sans endommagement. Depuis la fin des années 1980, la mise en œuvre de l’Accélérateur Grand Louvre d’analyse élémentaire (AGLAÉ) dans les sous-sols du Palais du Louvre, à Paris, a été une étape majeure dans le développement de ces recherches.

AGLAÉ accélère des particules (des noyaux d’hydrogène ou d’hélium) à des vitesses de l’ordre de 20 000 km/s. En pénétrant dans la matière, ces particules ralentissent en cédant leur énergie aux atomes, qui émettent à leur tour des rayonnements (rayons X, rayons gamma, lumière) et/ou d’autres particules. Ces émissions permettent d’identifier, même à l’état de traces, tous les éléments chimiques présents dans les couches superficielles de l’objet. Leur nature, leur concentration et leur localisation dévoilent l’histoire de l’objet et permettent de l’authentifier.

 

D’AGLAÉ au nouvel AGLAÉ : enjeux multiples et collaboration innovante

L’instrument initial ne permettait pas d’analyser des matériaux « fragiles » : les matières d’origine biologique, comme les pigments organo-minéraux des œuvres peintes, auraient pu subir des modifications visibles sous l’action du faisceau de particules. Le nouvel AGLAÉ inclut un système de détection plus sensible, qui permet de diminuer d’un facteur 10 l’irradiation des œuvres d’art à étudier, et de réaliser des cartographies chimiques simultanément avec plusieurs techniques d’analyse. Le nouveau multi-détecteur d’AGLAÉ, réalisé grâce à un financement  de la Ville de Paris, a été mis en place à partir de 2013.

De plus, faute d’automatisation, l’accélérateur ne pouvait fonctionner que 8 à 10 heures par jour, limitant l’accès à cet outil très sollicité par des utilisateurs extérieurs, français et européens. Reconnue pour ses compétences en matière d’accélérateurs, la société Thales a présenté une offre innovante pour stabiliser et automatiser l’accélérateur et la ligne de faisceau. Cette partie du projet a été financée par les Investissements d’avenir et réalisée dans le cadre d’une collaboration entre le C2RMF, le CNRS et Chimie ParisTech. À partir de fin 2017, le nouvel AGLAÉ pourra ainsi fonctionner 24 heures sur 24.

 

New AGLAE au C2RMF

© Christophe Hargoues / C2RMF / CNRS Photothèque – Statuette de bronze du Trésor de Bavay placée à la sortie du faisceau, et entourée du multi-détecteur

 

Les premières analyses seront réalisées sur des statuettes du trésor des bronzes conservé au Forum antique de Bavay (Nord) afin de révéler leurs techniques de fabrication et ainsi d’enrichir l’exposition qui sera présentée en septembre 2018. Suivra le trésor celte de Lavau (Aube), dont l’étude permettra d’orienter la conservation et la restauration.

 

 

 

 

Un instrument de pointe accessible aux chercheurs européens

Dans le cadre de projets européens successifs, AGLAÉ a été la première infrastructure de recherche au monde, entièrement dédiée au patrimoine culturel, accessible aux chercheurs européens. Elle constituera une contribution française décisive et l’un des piliers majeurs du projet d’infrastructure européenne pérenne E-RIHS (European research infrastructure for heritage science), inscrite sur la feuille de route européenne des futures infrastructures.

Pour célébrer le démarrage du nouvel AGLAÉ, un colloque a lieu le 30 novembre à l’auditorium du Louvre. Il sera l’occasion de présenter les nouvelles performances de l’instrument et de revenir sur quelques-unes des études phares réalisées avec AGLAÉ, comme celles de la tombe celtique de Lavau, de vitraux médiévaux ou d’objets préhistoriques en os colorés par les ocres. Chaque cas concret sera présenté par un duo composé d’un.e spécialiste de sciences analytiques et d’un.e archéologue ou historien.ne de l’art.